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19 novembre 2013

GROSSESSES CHEZ LES ADOLESCENTES AU BENIN

                                 « Une tragédie » pour la société de demain  

                        (Faire du mariage précoce des adolescentes une lutte citoyenne)

Les chiffres l’évoquent et nous situent clairement sur un phénomène qui prend de l’ampleur et évolue à un rythme qui échappe à notre société et les autorités chargées de la gouvernée. 8 % des adolescentes et jeunes filles sont mariées avant l’âge de 15 ans ; une fille sur trois donne naissance avant d'atteindre  l’âge de 18 ans ; la prévalence contraceptive chez les adolescentes (15-19 ans) est de 4% et 6% chez les jeunes (20-24 ans)  nous renseignent des statistiques du Fonds des Nations Unies pour la Population au Bénin (Unfpa).Une réalité qui est déjà là et menace une population adolescente fragile et sans protection. Il faut maintenant agir davantage pour éviter ce qu’il convient d’appeler « une tragédie » pour la société de demain.

Bismarck SOSSA

 

grossesse 2

Elle se nomme G. Adeline. 14 ans, élève en classe de quatrième dans un collège privé de Porto-Novo. Sa petite taille en ajoute à son jeune âge mais elle est loin de l’être maintenant. Elle sera bientôt mère sinon fille-mère parce qu’elle porte en elle la vie, comme l’avait porté sa maman Mme G. Paulette qui l’a accompagné ce matin de jeudi à la clinique pour sa routine consultation prénatale. Elle n’a pas le choix car « dans notre religion l’avortement est interdit… » nous confie Mme G. Paulette qui ajoute « seul Dieu pourra nous aider à éduquer les filles que nous mettons au monde aujourd’hui ». Adeline elle, ne maitrise pas grande chose de sa situation actuelle. Elle sait juste qu’elle porte une grossesse d’un copain de quartier élève en classe de seconde avec qui elle a eu des relations sexuelles par deux fois selon sa confession  sous les regards indignés de sa génitrice. Tout comme la petite Adeline, elles sont des dizaines d’adolescentes entre 15 et 19 ans parfois moins qui portent une grossesse et suivies dans les centres  de santé de la ville de Porto-Novo. Il suffit de consulter les registres de consultation prénatale pour constater cette triste réalité de grossesses précoces chez les adolescentes dans nos grandes villes et encore plus dans nos milieux ruraux où la jeune fille est encore moins protégée.

Le prix de la démission de la famille

La première cause des grossesses précoces chez les adolescentes est le manque d’éducation sexuelle par les parents avec la presque incapacité de ces derniers d’instaurer un dialogue parents-enfants sur les questions relatives au sexe dans le foyer. Le sexe jusqu'à nos jours continu d’être le sujet le plus difficile à aborder par les parents avec les enfants. Cela relève tout simplement du tabou. Les enfants sont donc sur ce plan livré à eux-mêmes dans un monde en perpétuel évolution où ils ont contre tout attente,  une variété de canaux de communication qui les mettent face à ce que de peur les parents leur cachent. Télévision, internet, téléphones portables, documents illustrés sont quelques premières sources de communication qui apportent à l’adolescentes toutes sortes de produits bon ou mauvais en considération de  leurs âges. Déjà à l’école, en groupe d’âge, au terrain de sport, à l’étude, les adolescentes par le biais d’un simple téléphone multi média visualisent des extraits de films pornographiques, des romans illustrés du même genre, visualisent des sites à caractère pornographique accessibles par simple clic lors de leurs travaux de recherche sur internet, s’essayent à des attouchements corporels déplacés en absence d’adulte, comparent leurs corps à celui de leurs stars préférées des feuilletons et finissent par faire le pas de trop faute d’encadrement bien attendu qu’à leur âge on ne saurait les condamner pour leur esprit de discernement. Ce que les parents craignaient en tentant de maintenir les enfants dans l’ignorance survient finalement parce qu’ils n’ont pas pris le temps pour semer dans l’esprit de la petite fille les germes de la défense contre les tentations qui surviennent de tout part autour d’elle. Le résultat, les parents n’ont que leurs yeux pour constater. Pendant ce temps il est déjà trop tard pour agir. Petite fille sacrifiée sous l’autel du tabou autour du sexe.

La réalité sous les yeux, que faut-il faire ?

Comment arriver à zéro cas de grossesse avant l’âge de 18 ans minimum ? Voilà la campagne qu’on aurait suggéré que notre pays mène pour basculer la tendance actuelle où une fille sur trois donne naissance avant d'atteindre  l’âge de 18 ans où 8 % des adolescentes et jeunes sont mariées avant l’âge de 15 ans et dans le même temps 30%   des   filles   déclarent   que   leur     première expérience sexuelle était forcée selon des chiffres officiels. Cela démontre tout simplement qu’il y à des actions à mener pour protéger la jeune fille. Bien vrai que l’Assemblée Nationale a joué une part de responsabilité en votant des textes de loi qui protègent la jeune fille de tout acte portant atteinte à sa vie sociale, sexuelle ou affective mais il reste toujours à faire pour renforcer davantage cette protection. Au delà de tout ce qui relève du juridique, le fondement  de la société que constituent la famille et la communauté doit être touché par des actions de sensibilisation et de communications régulières pour faire comprendre pourquoi il faut protéger la jeune fille de ce fléau de grossesse précoce. Ainsi la promotion du dialogue parents-enfants est un impératif. La promotion de l’éducation sexuelle des adolescentes par la famille doit être renforcée et l’engagement contre les mariages contractés avant l’âge de 20 ans doit être une lutte citoyenne dans nos communautés.

Comprendre les conséquences pour mieux agir 

Les conséquences des grossesses précoces chez les adolescentes sont multiples. Elles se font sentir tout au long de la vie de ces filles et se répercutent sur leurs enfants. Si l’abandon précoce de l’école est la conséquence immédiate pour les adolescentes qui contractent une grossesse pendant leur cursus scolaire, l’arrêt précoce de l’apprentissage en est une pour celle dans les métiers de l’artisanat par exemple. Mais au delà de ceci, elles subissent toutes, scolarisées ou non des conséquences inhérentes à leur statut de femme fragile. Dans les pays sous développés comme le Bénin, les complications de la grossesse et de l’accouchement demeurent la principale cause de décès parmi les adolescentes âgées de 15 à 19 ans. Les adolescentes et les jeunes femmes affrontent aussi des taux élevés de morbidité et de mortalité du fait d'avortements non médicalisés. Selon des analyses de l’Unfpa, les cas de mortinatalité et les décès sont une fois et demie plus nombreux pour les bébés nés de mères âgées de moins de 20 ans que pour ceux dont les mères ont de 20 à 30 ans. Ceci démontre aisément que non seulement les filles souffrent pendant neuf mois pour supporter la grossesse mais aussi les chances de vie du bébé sont minces du fait de la fragilité de la maman adolescente. Autant de conséquences qui mettent à mal les efforts que fournissent les autorités pour l’atteinte de l’un des Objectifs du Millénaire pour le Développement (Omd) qui vise à réduire considérablement le taux de mortalité maternelle d’ici 2015.Comment le Bénin peut-il y arriver si le mariage précoce reste encore une triste réalité de telle façon que des filles qui n’ont pas la maturité physique, affective et même sociale nécessaire sont obligées de devenir mères au risque de leur vie. La préoccupation mérite une solution car dans nos communautés le mariage de fille immature est une réalité sociale et tant que cette situation ne sera pas résolue dans la conscience collective de ceux qui encouragent la pratique, de nombreuses adolescentes continueront de subir parce qu’elles sont loin de revendiquer leurs droits.

Que préconise l’Unfpa ?

Pour basculer la tendance d’ici quelques années il va falloir que le Bénin s’engage davantage à investir dans la jeunesse  préconise le Fonds des Nations Unies pour la Population au Bénin très préoccupé par la situation. Des investissements stratégiques et faits de bonne heure dans l’éducation, la santé et les moyens d’existence des adolescentes, parallèlement à la protection de leurs droits fondamentaux, peuvent avoir de nombreux impacts positifs sur la vie des adolescentes, notamment la réduction du nombre de grossesses risquées ou non désirées. Dans un contexte où la prévalence contraceptive chez les adolescentes (15-19 ans) est de 4% et 6% chez les jeunes (20-24 ans), il est nécessaire de fournir aux adolescentes un ensemble de services notamment la contraception, la prévention et le traitement des IST et du VIH sida, les services de santé maternelle et les services d’après avortement. A cela doivent s’ajouter  l’éducation sur les questions de  santé sexuelle et reproductive. Mais un autre engagement qui nécessite le soutien des communautés pour mieux protéger les filles c’est d’empêcher le mariage précoce des enfants qui reste un fait dans nos villes et villages. Il faudra veiller  à ce que les filles soient scolarisées et maintenues à l’école au-delà de l’enseignement primaire tout en remédiant aux facteurs sous-jacents qui perpétuent la pratique des mariages de petites filles. Tout ceci devrait contribuer à la  promotion d’une fécondité responsable et contribuer à réduire le taux de fécondité précoce chez les adolescentes. Le résultat devrait permettre de créer une société plus équilibrée avec des enfants issus de mères matures et sexuellement responsables. 

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